Comme
Sabta, Tlemcen, Fès..., la ville de Sijilmâsa représente un exemple,
qui nous explique la pensée des
détenteurs du pouvoir politique en matière d'action militaire.
Sijilmâsa considérait par l'ensemble des pouvoirs médiévaux du Maghrib
occidental comme province de la dynastie. Dès lors, les
actions militaires des mouvements et des dynasties étaient orientée à
contrôler la ville, en brisant toute tentative d'indépendance ou
d'autonomie des habitants. En un mot, la ville de Sijilmâsa
avait une importance stratégique dans les relations interafricaine
et entre les deux rives de la méditerranée.
Le
premier affrontement a été celui des Idrisides avec les Kharijites. La
présence des derniers au sud du Maghrib
occidental prospère, à cause d'une agriculture intensive, et l'impôt
de passage sur le commerce saharien, a poussé l'un des fils de Moulay
Idrîs a fondé la ville de Tarûdânt, où il y avait une
mine de cuivre. Mais l'intervention Fâtimide au Maghrib occidental
avait mis fin aux tentatives Idrisides. Les deux forces califiens de
l'occident musulman, Fâtimides d'Ifrîqiya et Umayyades
d'Espagne avaient mené des actions, afin de contrôler le sud du
Maghrib occidental. Les divergences doctrinales entre les deux pouvoirs
(Fâtimides shicites et Umayyades sunnites),
semblent pour les historiens comme des causes principales dans la
lutte en Occident musulman. Mais dans le cas de Sijilmâsa, l'importance
des enjeux économiques était plus forte que de simples
intérêts doctrinaux, puisque les Fâtimides avaient tenté d'une
manière directe de conquérir la ville, tandis que les Umayyades avaient
favorisé l'alliance avec la dynastie Maghrawa, pour qu'ils
puissent résister aux fâtimides, en échange d'une somme d'argent
versé chaque année au calife Umayyade. Parmi les conséquences de cette
alliance Umayyado-maghrawite, l'écartement du danger
kharijite et fâtimide de la région du sud. Par contre, cette
alliance qui n'avait duré que peut de temps, n'avait pas permis, en
aucun cas, au pouvoir califale Umayyade d'imposer sa politique à
Sijilmâsa.
Au Ve
siècle de l'hégire, la région du sud du Maghrib occidental avait connu
un changement au niveau
des systèmes du pouvoir; une expérience s'est achevée avec le déclin
des Émirats, et le commencement du mouvement almoravide au Sahara
occidental. Les tribus Sanhâja du mouvement étaient les
seuls maîtres de ce dernier territoire stratégique sur le plan
économique, en particulier dans les relations de l'Afrique de l'ouest
avec le Maghrib. Pour que les tribus Sanhâja puissent jouer
pleinement leurs rôles, les Almoravides, juste après la conquête
d'Audâghusht, Sijilmâsa était devenu leur priorité, afin qu'ils puissent
contrôler les deux rives du commerce
saharien.
Les historiographes Ibn Khaldûn, Ibn Abî Zarc, Ibn cIdârî
et le géographe al-Bakrî
rapportent que la cause principale de la conquête de la ville, était
un fait lié aux habitants, ces derniers ont demandé le secours d'Ibn
Yâsîn contre la tyrannie de leur émir. La complicité des
habitants était sans aucun doute un fait, qui avait favorisé
l'attaque militaire. Mais en même temps la ville dans la politique
militaire almoravide était une nécessité stratégique. L'itinéraire
de la conquête des territoires fondatrice du pouvoir était lié aux
routes commerciales de Sijilmâsa jusqu'à Fès (Sijilmâsa, Aghmât, Tâdlat,
Fès etc...). Cette réalisation des conquérants a été
une stratégie à la fois militaire et économique, c'est-à-dire, d'une
part les Almoravides avaient imposé leur autorité politique par les
armes, en éliminant les pouvoirs des "États-cités" et
d'autre part, ils avaient assuré le ravitaillement de leur conquête.
Au moment de la fondation de Marrakech, les Almoravides ont pris en considération la distance des portes du
commerce le long d’Oued Darca. Jusqu'à 1087, Abû Bakr b. cUmar
avait gardé Sijilmâsa comme capitale de la dynastie. La numismatique
rapporte qu’Yûsuf b. Tashfîn
n'apparaissait pas sur les monnaies de Sijilmâsa que vers 1087. Il
semble bien que les Sanhâja du sud ont considéré au moins pour les
territoires du Sahara, Sijilmâsa comme capitale, malgré la
fondation de Marrakech en 1062.
En
effet, dans l'histoire de la dynastie almoravide, la période de la
prospérité économique et la force militaire
au Maghrib occidental et en Andalousie, a été lié au contrôle du
commerce, par conséquent, après une résistance de trente cinq ans face
aux almohades, le déclin almoravide a été spectaculaire
après la conquête de Sijilmâsa en 543 de l'hégire.
Les
Almohades ne faisaient pas exception en comparaison avec leur
prédécesseur. Ils avaient attaqué au début du
mouvement l'ensemble des routes de l'Atlas, pour assurer à leur
rébellion l'espace de la société masmûda, puis les régions agricoles et
les villes stratégiques sur le plan du commerce. En
revanche, la mise en place de l'autorité mu'minide n'avait pas
transformé l'importance économique de Sijilmâsa. La ville était une
menace permanente sur l'autorité politique centrale, malgré le
rôle principale qu'avait joué la capitale Marrakech. Les conflits
entre la famille royale avaient presque toujours fini par la création
d'émirat dans une province loin du centre de l'empire.
Al-Rashîd par exemple avait préparé la rébellion contre son frère à
partir de Sijilmâsa, ce qui prouve une fois de plus que le contrôle du
pouvoir central sur la région de Sijilmâsa était très
difficile à tenir.
Après
le déclin des Almohades, Sijilmâsa a été le centre des affrontements
entre les trois forces politiques du
Maghreb, à savoir les Mérinides, les Zayanides et les Almohades.
L'historiographie arabe rapporte les causes classiques du conflit
Mérinido-Zayanide, qui remontent à la période du partage des
territoires sur le plan économique (pâturage, eau etc.), avant que
les Almohades permettent aux Zayanides de garder les pâturages de la
région de Tlemcen au détriment des Mérinides. On peut pas
écarter l'influence des causes historiques dans les conflits entre
les deux forces politiques, mais l'économie des nomades avait presque
disparu, nom pas de fait, mais dans la pensée des
détenteurs du pouvoir et la pratique politique qu'ils avaient
conduit vis-à-vis de l'espace de l'occident musulman, du fait de la mise
en place du pouvoir sur des bases nouvelles, c'est-à-dire
que le partage des territoires économiques classiques avait évolué
au partage politico-économique dynastique.
Sijilmâsa a été au le centre de la nouvelle pensée, puisque des
faits nouveaux avaient surgi sur
la scène politique du Maghreb. Le recours aux commerces et aux
impôts avaient constitué la base. Les impôts étaient devenus une source
vitale, surtout avec les divisions politiques du Maghreb.
Les deux sources (commerce-impôt) avaient assuré les besoins des
pouvoirs médiévaux du Maghreb, puisque la fiscalité du commerce était
plus importante que l'agriculture.
L'historiographie
arabe rapporte des exemples qui confirment la stratégie
militaro-économique des Mérinides. Après
l'assassinat d'al-Rashîd al-Muwahidî, la mise en place d'un État
était une nécessité chez les Mérinides, leur premier objectif dans le
sud du Maghrib occidental, avait visé la reprise de
Sijilmâsa, avant même la capitale Marrakech, qui s'est retrouvée à
leurs portés plusieurs fois. En même temps, on remarque que la stratégie
militaire classique -installation des sièges autour de
la ville-, n'avait pas beaucoup d'importance, puisque les Mérinides
avaient employé les sièges économiques en s'attaquant à Sijilmâsa. Les
trois forces politiques qui avaient engagé une course
afin de partager l'héritage territoriale almohade, n'ont pas épargné
Sijilmâsa. Après l'assaut militaire d'Abû Bakr le mérinide sur
Sijilmâsa, l'alliance Zayanido-almohade avait tenté plusieurs
fois de récupérer la ville, sans succès. Mais la mort d'Abû Bakr et
le contrôle de la ville par son gouverneur avaient facilité la conquête
de Sijilmâsa par l'alliance Zayanido-almohade en 658 de
l'hégire.
Dès l'année 660 de l'hégire, Abû Yûsuf Yacqûb le mérinide avait tenté de conquérir la ville, mais ses
habitants avaient déclaré leur appartenance au zayanide Yaghmurâsan, sous l'influence des tribus arabes (cArab al-Manbât)
qui contrôlaient à cette époque les pâturages de la
ville. De son côté Yaghmurâsan avait conclu une alliance avec Abû
Dabûs de Marrakech, selon laquelle, il avait commencé la conquête des
territoires orientales des Mérinides, pour neutraliser les
forces mérinides, qui n'avait pas cessé de harceler Sijilmâsa et
Marrakech. Cette attitude zayanide avait provoqué l'abondant de l'assaut
militaire sur la capitale Marrakech par al-Mansûr, pour
faire face au danger zayanide.
Après
la victoire sur les troupes zayanides au Maghrib oriental, al-Mansûr
avait siégé Sijilmâsa jusqu'à sa
reprise en 673 de l'hégire. La conquête finale avait changé la
politique mérinide, puisque une nouvelle période avait commencé, selon
Ibn Khaldûn la conquête de Sijilmâsa était une étape vers la
souveraineté politique. Ces changements ont touché aussi les
Zayanides, ils avaient accepté et pour la première fois, un accord de
paix avec leurs adversaires, plus encore Yaghmurâsan avait
conseillé à son fils de ne pas provoquer directement les Mérinides,
tout en cherchant les avantages territoriaux du côté des Hafsîdes. On
remarque d'après les indications des sources arabes,
qu'il avait eu des rapports dialectiques entre l'évolution politique
et le contrôle des routes et des portes du commerce dans la rive nord
du Sahara, d'où l'abondant des Mérinides au recours au
légitimiste hafsîde a eu lieu dès qu'ils avaient sortie les grands
vainqueurs de cette course à la conquête de Sijilmâsa.
L'équilibre court de la ville n'avait pas duré longtemps, du fait des conflits entre les membres de la famille
royale. Après la mort d'al-Mansûr, la première rébellion était celle d'Abû cAliy contre l'autorité de son père, d'une bataille à l'autre, ces affrontements avaient débouché sur la
fondation d'une véritable Émirat indépendante, en reliant Touat, Tigurârîn et Tamantît. Les actions d'Abû cAliy ne pouvaient pas se réaliser, si la ville n'avait pas les bases de
l'indépendance armée, makhzen et principalement le commerce
qui a été le facteur matériel fondamental pour la fondation de l'émirat
et sa continuité. Donc la province de Sijilmâsa avec
son commerce et les activités de ses habitants avaient joué
favorablement dans la décision politique d'Abû cAliy b. Sacîd, malgré la défaite de ce dernier devant l'armée de
son père près d’Oued Oum al-Rabîc.
L'historiographie arabe rapporte que son père avait réagi face à ce problème par principe de l'esprit familial,
une explication peu convaincante, puisque Abû cAliy avait
dépassé les limites qu'un Émir des Musulmans pouvait tolérer de son
entourage. Par conséquent, l'explication probable est que
le sud du Maghrib occidental contrôlait par un membre de la famille
royale, était d'une part mieux que les conflits qui dure, et d'autre
part la soumission des tribus à l'émir Abû
cAliy était un avantage pour le pouvoir central.
Le nouveau maître du Maghrib occidental Abû al-Hasan, avant l'assaut militaire contre les territoires des
Hafsîdes, avait rendu visite à son frère Abû cAliy, tout en lui demandant l'allégeance (bayca) des habitants de Sijilmâsa. Cette bayca avait
réduit l'autorité d'Abû cAliy à un simple gouverneur. Ce
dernier s'est révolté avec l'aide des Zayanides, ce qui avait poussé Abû
al-Hasan à faire un retour éclair pour mettre fin à
cette révolte. Ce même souverain qui avait assuré l'intégrité de
Sijilmâsa au sein du royaume, avait regagné la ville après sa défaite en
Ifrîqiya. Son successeur Abû cInân avait
changé la politique des Mérinides envers les habitants de la ville. Après la mort d'Abû cInân, la ville était tombé sous le contrôle des tribus arabes Macqil,
alliés des
Zayanides de Tlemcen. Ces derniers allaient profiter du commerce du
sud du Maghrib occidental, jusqu'à ce que la ville soit détruite après
la mort d'Ahmad al-Burtughâlî al-Watâsî.
La
place qu'avait occupée Sijilmâsa dans le sud du Maghrib occidental dans
le domaine économique, avait attiré
l'attention des historiens et des géographes arabes, sa puissance
comme ville principale dans les écrits médiévaux reflète l'importance
stratégique de la ville. Elle était la ville de tous les
dangers pour les pouvoirs médiévaux, ces derniers qui n'avaient
guère contrôlé leurs territoires de la souveraineté. C'est pour cette
raison que le commerce et la force militaire étaient
intimement liés au sud du Maghrib occidental, en un mot la stratégie
militaro-économique avait été pendant longtemps un garant des
politiques au Moyen-Age.
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